Este titlul unei conferinţe publice organizate la 22 februarie 2007, la Paris, de Direction du Livre et de la Lecture (DLL) şi de Centre national du livre (CNL) în cadrul proiectului « LIVRE 2010 ».
Multe emoţii, ploaie de citate din Proust, Borges, Elias Canetti, Elizabeth Eisenstein şi mulţi alţii. Bruno Latour şi Marcel Gauchet au fost cei mai lucizi. În special intervenţia lui Latour a avut darul să pună lucrurile la loc. Fără a intra în detaliile percepţiei cărţii, fără a diseca relaţia intimă carte-cititor, Latour a redus cartea la un simplu suport al cunoaşterii. Ca suport, cartea ar trebui să îndeplinească nişte condiţii: accesibilitate, viteză, lejeritate a percepţiei etc. Ei bine, suportul este un mecanism tehnic. Nu păstrezi căruţa pentru că ai o relaţie mai specială dar treci la automobil propriu, dacă vrei viteză. La fel şi cartea, dacă vrei viteză a percepţiei, vrei viteză a livrării, utilizezi alte suporturi: digital, video, audio etc. Sunt lucruri care trebuie transportate rapid la destinaţie, ca nişte alimente cu termen scurt de păstrare (noutăţile ştiinţifice din toate domeniile), altele pot fi consumate pe îndelete (romane, poezie). Altfel zis, migrarea unei bune părţi a literaturii spre suportul digital, spre le numerique nu e o catastrofă, e doar un proces de purificare a cărţii de elementele improprii. Dispariţia cărţii este o iluzie, vor dispărea doar unele conţinuturi şi valenţe ale cărţii, care îi sunt străine, dar, de nevoie, sau prin forţa împrejurărilor au fost nevoite să paraziteze pe carte. Personal, prefer filmele documentare istorice, sunetele de epocă (acolo unde este posibil), înregistrările video sau foto, decât cărţile lungi, uneori plicticoase sau inutile. Câştig viteză în a evalua lucrurile ce merită a fi studiate atent şi cele care trebuie trecute cu vederea. E normal, nu? Pe de altă parte, nu ne putem aştepta la o digitalizare, audio sau videoconversiune a „Micului prinţ” sau a „Criticii Raţiunii Pure”. Sunt domenii diferite, care însă au mers împreună până la un punct. Ce mai, Bruno Latour vă va explica despre ce e vorba. Mai bine decât mine, un biet tălmaci. J
Fragmente:
Assia DJEBAR sau Wikipedia: « Je pourrais dire que l’avenir du livre, c’est qu’il arrive à garder de l’oralité, de l’oralité de la parole dont il est à la fois un miroir et un conservateur. »
Bruno Latour sau Wikipedia: « . On s’apercevrait que la diversité extraordinaire des supports, dont l’écran n’est qu’un des éléments, nous permet de produire des connaissances, des interprétations ou de les utiliser de mille façons. Il y a toujours une diversité extraordinaire. On a à la fois un cahier Clairefontaine et un abonnement à un journal, qui d’ailleurs prend aujourd’hui de plus en plus une double forme. »
« La notion de livre doit être complètement éclatée, puisque ne survivra pas tout. Je ne dis pas « Dieu reconnaîtra les siens », mais le numérique reconnaîtra certainement les siens. »
« En résumé, en tout cas pas dans le domaine de la grande littérature, mais dans celui de la petite littérature, il s’agit d’une écologie assez complexe, que l’on pourrait appeler une sorte de plateforme multimodale, dont le livre n’a été que l’un des amalgames, un reposoir provisoire, mais dont les fonctions continuent toutes avec des trajectoires très différentes. Cela n’a pas beaucoup de sens d’acheter encore l’Encyclopedia Britannica qui va occuper la moitié d’un rayon, alors que vous pouvez l’avoir sur l’écran. Mais cela ne veut pas dire que l’on n’achètera pas les livres et les romans de Mme Djebar et que nous n’allez pas en même temps prendre des notes sur un post-it à l’intérieur de votre cahier Clairefontaine, tout en lisant un livre. C’est l’ensemble de ces fonctions que nous avions amalgamées et qui se trouvent maintenant avoir des destins différents, que nous devons suivre avec beaucoup de soin en tant qu’universitaire, bibliothécaire, auteur, historien, etc. Mais ils ne permettent pas de nourrir un argument quelconque sur une crise de civilisation, étant donné que cette crise de civilisation a commencé avec le caractère mobile et continue avec les zéros et les uns de nos écrans.”
Denis OLIVENNES : « Je voudrais simplement noter une considération beaucoup plus pratique et qui me paraît être importante. Des criminologues américains très sérieux ont fait des études statistiques, incontestables, scientifiques et rigoureuses. Ils ont démontré la chose suivante : plus vous disposez de mots, moins vous êtes enclin à la violence sur vous-même ou sur autrui. Et pour disposer des mots, il faut évidemment lire. En gros, les criminels qui peuplent les sociétés des prisons américaines ont un vocabulaire qui se situe entre 100 et 200 mots. Au-delà de cette limite, on sort de cette violence. Autrement dit, la disposition du langage qui nous vient de l’écrit est la meilleure façon de sublimer les pulsions violentes qui sont en nous et de nous réconcilier avec nous-mêmes ou avec autrui. Je crois que cette raison-là est peut-être de toutes, celle qui doit nous inciter à protéger l’écrit. Il faut donc le faire »
« On ne peut pas dire qu’il y ait jusqu’à présent de crise du livre comme il y a une crise du disque. Et pour l’instant non plus, il n’y a pas de dématérialisation du livre, à la différence de ce qui se passe pour le disque ou pour le film. Effectivement, les supports physiques de la lecture du film ou du disque vont progressivement disparaître au profit des fichiers. Pour l’instant, ce n’est pas le cas pour le livre. Est-ce que cela ne sera pas le cas durablement pour le livre ? Je n’en suis pas certain. Si j’avais à parier là-dessus, je ne le verrais pas. On peut raisonnablement penser que le téléchargement affectera un jour aussi le livre et que l’objet physique du livre va disparaître. Mais est-ce une question essentielle ? Pour moi, premier libraire de France, c’est effectivement une question importante. Mais pour la sauvegarde de l’écrit, je ne crois pas que cela soit une question essentielle. Parce que ce qui va demeurer, c’est l’immatériel, c’est le contenu intellectuel, quel que soit le support sur lequel ce contenu s’exprime.”
Marcel Gauchet : « J’en arrive à notre domaine du livre. A première vue, on pourrait le croire largement épargné par le phénomène. Editeurs, libraires, critiques, bibliothécaires ne paraissent pas aussi directement contestés dans leur rôle ou dans leur fonction. Si ce n’est peut-être la critique, mais parce qu’ils sont pris dans la malédiction générale qui pèse sur les médias. Et pourtant, de manière sourde, de manière insensible, les professions de la chaîne du livre sont peut-être les plus profondément concernées par cette crise de la médiation. Parce que la technique met à l’ordre du jour l’horizon utopique de leur disparition. Grâce à l’Internet, virtuellement plus besoin d’éditeurs, de critiques, de libraires, de bibliothécaires.
Dans ce nouvel espace public, tout livre écrit a vocation à être rendu accessible à tous sans intermédiaire, et cela, gratuitement, hors de tout échange marchand et de toute structure commerciale. Ses lecteurs, il les trouvera grâce aux relais construits par l’intelligence collective des critiques naturelles que font chacun des usagers de la toile, faisant bénéficier les autres de leur expertise. Sans doute subsiste-t-il quelques problèmes de conservation et de patrimoine. Mais il n’y a guère plus à demander aux bibliothécaires que la mémorisation du patrimoine accumulé ait une superbe maintenance du réseau, qui pour le reste les laisse à l’écart de la relation du lecteur au livre.
Utopie, disais-je. Et je souligne le mot. Mais utopie dont on voit bien la pression qu’elle exerce à tous les échelons de la chaîne du livre. Qui t’a fait éditeur ? Qui te met en position de choisir ce qui dans la production te paraît digne d’être porté à la connaissance du public et valorisé ? Qui t’a fait critique ? Qui te justifie de donner ton avis plutôt qu’un autre ? Au nom de quoi es-tu justifié à vendre ceci plutôt que cela ? Toute librairie étant à la fois insuffisante dans son offre et trop peu neutre dans ses choix, au regard de la librairie universelle que chaque client a de par la technique dans l’esprit quand il franchit aujourd’hui les portes de n’importe quelle boutique du livre. Questions qui valent mutatis mutandis pour le bibliothécaire moyennant une légère adaptation.
Le cas du livre est doublement intéressant. D’abord parce qu’il met en lumière plus fortement que tout autre ce qui est au principe de cette crise générale de la médiation. Il est intéressant, ensuite, parce qu’il fait apparaître non moins fortement les limites de cette crise de la médiation. Ce qui est au principe de cette crise fondamentalement, c’est le phénomène d’individualisation qui travaille nos sociétés et qui remet en question l’ensemble des rapports sociaux et des structures collectives. Immense question que je ne peux faire plus ici que signaler, qui se résume dans la phrase que l’actualité nous montre au combien en avant : Et moi dans tout ça ? Voilà la question qui est à l’œuvre aux différents niveaux que j’ai évoqués. Si la chaîne du livre est dans le principe plus concernée que tout autre secteur, c’est parce que le principe d’individualisation a trouvé dans ce domaine, grâce à la technique, avec l’internaute, la concrétisation de la figure de l’individu pur, hors médiation, doté d’un accès universel à toutes les sources d’information et d’une capacité de toucher le monde entier par ses productions intellectuelles sans intermédiaire.
Internet, en ce sens, c’est le média absolu, la médiation qui supprime toutes les autres médiations, qui les rend inutiles. En même temps, d’autre part, les dimensions mêmes de ces possibilités illimitées font apparaître ce qu’il y a d’intenable dans cette disparition des médiations. Le même individu, auquel toutes les possibilités sont ouvertes, est aussitôt débordé par cette offre qui l’écrase et au milieu de laquelle il est perdu. Que lire ? Où chercher ? Comment s’y retrouver ? La destruction virtuelle de toutes les médiations en fait ressurgir l’impérieuse nécessité.
Ce pourquoi, si dans le principe, la chaîne du livre est la plus radicalement secouée. Dans les faits, elle est plutôt moins contestée que les autres. Parce qu’elle est le domaine où le besoin de la médiation se fait sentir avec le plus d’évidence. On est bien content de pouvoir compter sur les éditeurs pour vous épargner de tout lire, ce qui leur revient à eux. On est bien content de trouver des critiques, même si c’est mal au milieu d’une offre surabondante. Et on est bien content de pouvoir trouver des libraires et des bibliothécaires pour aider à vous orienter face à une multiplication immaîtrisable des sources.”
Textul integral al conferinţe poate fi tras de aici sau aici. Inregistrarea video a conferinţei poate fi descărcată de pe site-ul Centre national du livre: partea I, partea a II-a, partea a III-a, partea a IV-a.